Mon petit gars, aujourd'hui tu as 5 ans. Devrais-je dire mon Grand ? Est-on
si grand à 5 ans ? Oui. Non. Un peu. Tu as largué ta tétine en juin dernier...
ou plutôt nous l'avons oubliée et nous ne l'avons pas remplacée. C'était
l'occasion rêvée de s'en débarrasser. Ça été dur pour toi. Mais tu as fini par
être fier de cette séparation car tu savais que cette liberté était réservée
aux plus grands, fier aussi de l'annoncer à tes copains de petite section. Tu
es devenu "grand" très vite, tout en restant petit… D'une manière
différente, mais tout aussi symbolique, tu ne prends plus ton petit déjeuner au
biberon, tu le prends dans une tasse. Tu l'as décidé. Et cette décision t'aura
fait encore bien plus grandir (mais boire moins de lait…). Pas facile de savoir
quand il faut t'aider et quand il faut te laisser faire, à ton rythme. Tu nous
parais si grand mais en même temps tu es encore si petit.
À 5 ans, tu sais te brosser les dents mais tu préfères qu'on le fasse pour
toi. Tu sais te mettre en pyjama, mais tu n'arrives pas encore à te déshabiller
complètement. Tu arrives à entrer sans aide dans la baignoire. Tu te savonnes
seul, parfois. Tu manges comme un grand, quoique tu aimes bien te faire aider aussi…
À la maternelle, tu es passé de la petite à la moyenne section. Tu as changé de
maîtresse. Ce nouveau début a été difficile et tu as du t'adapter. Avec succès.
Les copains n'étaient plus les mêmes non plus. Tu as dû créer des liens avec
ceux de ta nouvelle classe. Ca chamboule mais tu t'en sors bien. Tu es très
sociable. Aujourd'hui, tu sais compter jusqu'à 60. Tu connais ton alphabet par
cœur et en chantant. Tu sais écrire ton prénom. Tu maîtrises deux langues. Et
tu en apprends une troisième, gentiment. Tu me demandes ce que veulent dire ces
mots anglais "just for you" en écoutant une chanson. Tu as de
l'oreille ! Tu veux jouer de la trompette, depuis toujours, et tu en parles
encore. Plus qu'une année et tu découvriras le solfège. À 5 ans tu penses déjà
au CP. À vrai dire, tu n'arrêtes pas d'en parler. Tu dis vouloir te rendre tout
seul à pied à la grande école. Et puis, tu philosophes déjà à ton âge:
"Une coquillette c'est rikiki, comme les bébés. Ottavio c'est une
coquillette. La pâte grand frère c'est le spaghetti. Moi je suis un spaghetti.
Toi maman t'es une farfalla. Papa c'est la sauce." Tu veux devenir adulte
tout de suite pour faire ce que tu veux. C'est ce que tu me dis, convaincu.
À ton âge tu as déjà vu la moitié des musées parisiens avec mamie. Tu sais
que le Musée du Quai Branly est à côté de l'église russe. Tu reconnais
l'architecture de Beaubourg à la télévision. La semaine prochaine, tu iras voir
la collection Chtchoukine à la Fondation Louis Vuitton. Mais ton musée préféré
est le Museum national d'histoire naturelle. La Galerie de paléontologie n'a plus
de secret pour toi, ni la Galerie de l'évolution. Tu veux y aller tout le
temps. Tu reconnais même le biologiste avec qui tu as parlé 2 mois auparavant
dans les serres du Jardin des Plantes. Chez papi, tu apprends à semer les
graines de gazon. Tu tonds la pelouse, tu grattes la mousse et tu aspires les
feuilles mortes. Tu lèches les escargots aussi ! Au parc, tu aimes gratter la terre
pour y dénicher des vers de terre ou des cloportes. À 5 ans, tu sais ce qu'est
une anguille tubicole ou une Pénélope à front noir. Tu sais ce que veut dire
urticant. Et ta définition de "Scientifique" est on ne peut plus
brillante: "C'est un homme qui peut tout expliquer !". Tu es fasciné
par la genèse des océans, la faune sous-marine, et les volcans. Tu as une
mémoire d'éléphant et tu es rusé comme un renard. Tu te passionnes pour les
dinosaures. Tu veux être paléontologue ! "Parce que j'ai essayé tous les
autres métiers et que ça n'a pas marché !". Tu nous épates.
À 5 ans, tu écoutes les infos à la radio, l'air de rien. Tu nous demandes
pourquoi des gens ont attaqué une Mosquée et tu en conclus, très déçu, que nous
ne pourrons plus aller boire du thé à la menthe (t'inquiète, cette mosquée est
au Québec, la nôtre est encore debout). À 5 ans, tu sais que François Hollande
est le Président des français. Et tu dis aussi que "les riches sont les
méchants". Pourtant, à la maison, on n'est pas très Mélenchon… À 5 ans, tu
as déjà joué à la pêche aux canards avec Giulia, la fille de Nicolas Sarkozy
pendant que je parlais à Carla Bruni au Jardin d'Acclimatation. En douce, nous
espérons que pour tes 5 ans, nous n'aurons pas Marine Le Pen comme
Présidente… À 5 ans, tu as vu le journal
télévisé par hasard. Tu m'as dit que tu avais vu un méchant pirate qui avait
tué des gens. Mais que tu n'avais pas peur car c'était à la télévision (dans
quelques années, il faudra qu'on explique qu'on ne voit pas que de la fiction à
la télévision…).
À 5 ans, tu veux un chat (et que fait-on du chat pendant les vacances ?).
Tu le vois déjà passer ses vacances chez Tata Lou ou chez Tonton Vlad ou chez
la Zia Elena ; bref… tu trouves déjà des solutions là où nous voyons des
problèmes. Tu veux aussi un poulpe dans un aquarium (tu nous mets toujours au
défi de trouver l'introuvable…) Mais tes nonni t'ont offert 2 poissons rouges,
Spiderman et Batman, et ça t'as mis en joie ! Tu es raisonnable finalement. À 5
ans, tu as de la jugeote. Tu nous demandes si le Père Noël en Calabre sera en
maillot de bain. Logique ! Tu associes l'Italie avec la plage. La Bretagne
aussi. Tu voulais te baigner à la Toussaint... À 5 ans, tu n'as pas peur de
l'eau, même froide. Tu plonges dedans comme tu plongerais dans le cornet d'une
crème glacée.
Tu n'aimes pas les chapkas car ça te couvre les oreilles et tu n'entends
plus aussi bien. Ça t'agace. Tu veux être là, présent à tout instant. Pourtant
tu es rêveur. Tu créés des mondes fantastiques, en les dessinant, tu t'inventes
des histoires où les sorcières sont gentilles et sauvent les mamans, où les
extra-terrestres aident les enfants pauvres. Tu nous fais des blagues. Tu
glisses en douce des araignées en plastique dans notre lit et des salamandres
dans les tiroirs de la commode. Mais tu nous préviens, quand même ! Tu es
attentionné.
À 5 ans, tu dis que tu m'offriras toujours des fleurs, que je suis belle et
que tu aimerais bien que je dorme à côté de toi. Tu te bats avec Œdipe mais tu
ne le sais pas. Tu comprendras plus tard… C'est dur pour toi. À 5 ans tu
n'aimes plus Athénaïs. Maintenant tu es amoureux de Violette. Tu ne veux plus
qu'un seul enfant mais tu en veux trois. Deux garçons et une fille. À 5 ans, tu
dis à tes copains que je suis super forte en "couturiage" (j'ai
raccommodé la jambe de ton doudou). Ça me touche que tu sois si fier de moi !
Tu es aussi très reconnaissant surtout quand je te coupe les ongles ("tu
es la plus meilleure des mamans"). Et quand papa est en voyage, tu
demandes toujours quand il sera de retour "parce que moi je l'adore, papa".
Et nous… on t'aime jusqu'à la lune !
À 5 ans, tu as un petit frère qui prend beaucoup de place, pourtant il est
tout petit. En fait, on te l'a expliqué souvent: c'est parce que il est tout
petit qu'il prend beaucoup de place. Un petit frère que tu aimes et détestes à
la fois. Tu l'embrasses, tu le tortures un peu aussi. Tu veux le mettre en
prison. Lui te regarde comme son héros. Tu aimes le faire rire et lui rit de
tout ce que tu fais. Tu le bouscules beaucoup. Tu te souviens du jour de sa
naissance. Il neigeait ce jour-là, tu me l'as dit, attendrit.
À 5 ans tu fais face à beaucoup de bouleversements dans ta vie d'enfant. Tu
deviens grand mais tu restes encore petit. Tu fais des cauchemars. Tu as peur
du noir. Ça demande beaucoup de courage d'avoir ton âge. Et je t'admire car
malgré tout ce déluge d'émotions dont tu es assailli, tu restes un petit garçon
formidable, curieux de la vie, pipelette, plein d'énergie, blagueur, rêveur et aimant.
Je te souhaite un bel anniversaire avec tes petits copains de maternelle, mon
Minou. Amusez-vous comme des petits fous !
Maman
PS: à l'heure où j'écris tu viens de passer 2 semaines chez ton papi en
vacances à Bénodet, sans nous qui travaillions. Tu as même pris un train
retour, tout seul, comme un grand, avec les animateurs de la SNCF. Tu étais
très inquiet à l'idée de ne trouver personne dans le train. Vous étiez 48 enfants,
dans le même wagon !!! Ton voyage s'est très bien passé, les animateurs de la
SNCF m'ont même dit que tu avais mis une sacrée ambiance ! Je suis fière de
toi, mon Grand !